Pas touche au gamin à lunettes [PV Curli]

Ouais, bon, je vais pas vous faire un dessin, les cours, c'est chiant. Surtout quand les profs t’ensevelissent sous une tonne de devoir. Et quand ils ne font que baratiner. Et quand ils te collent des contrôles. Et quand, après une journée compliquée, des gamins à peine sortis de l'enfance te crient dans les oreilles, t'as juste envie de tout casser. J'étais appuyé contre un mur, mes feuilles de cours sous le bras. Les cris s'intensifièrent. Oké.

- C'est quoi ce bordel ?

Très polie et sympa, c'était tout moi. Vu qu'ils ne se calmaient, je me rapprochais en donnant quelques coups de coude - j'étais délicate en plus-. Ah, d'accord. Ils étaient en train de chahuter un garçon petit en taille, à lunettes. La cible parfaite.

- Bon, vous allez vous calmez et lui foutre la paix. Faites gaffe si je vous revois.

Je pris le petit par le bras et l'entrainais à l'écart.

- C'est quoi ton nom ?

Première journée d'école, et des élèves toujours là pour me rappeler que quoi qu'il se passe, même si j'ai changé de vie, tout recommencera comme avant. J'étais certainement taillé pour être le souffre douleur. La tête de turc. En classe, c'était plus facile. Je me faisais oublier, mais dehors, il n'y avait plus personne pour me protéger. Plus personne derrière qui me cacher. C'était lâche, oui. Mais c'était un mécanisme de survie acquis à mes dépends au foyer où j'avais été placé.

Et mes lunettes passaient de mains en mains, sans que je puisse les attraper. Je me jetais sur la personne qui les avaient et il les lançait à une personne en face avant de me pousser violemment au sol. Ils étaient bien trop grands pour moi. Et mes cours qui s'éparpillaient par terre aussi, et que je tentais de ramasser à la volée. Vainement. Un combat perdu d'avance pour le petit intello que j'étais.
Je m'accroupis par terre pour saisir mes feuilles de cours chiffonnées, déchirés. Les adolescents s'étaient mis à dévaliser mon sac, emportés par l'effet de groupe.
Je me mis à pleurer tout court. Ça n'en finirait donc jamais. Et mes pleurs les excitèrent encore plus. Ils avaient gagné.
Une fille arriva, les poussa du coude. Un ange. La personne inespérée qui mettrait peut-être un terme à ma lutte acharnée.

-Bon, vous allez vous calmer et lui foutre la paix. Faites gaffe si je vous revois.

Oui, définitivement, c'était un ange. Je ne la connaissais pas, mais je l'aimais.
Je la remerciait mille fois dans ma tête pendant qu'elle m'entrainait loin de mes agresseurs. Je finis par m'arrêter de pleurer après quelques petits soubresauts et reniflements. J'avais les yeux bouffi, j'étais fatigué et ne songeais qu'à dormir.

- C'est quoi ton nom ? Me demanda-t-elle d'une voix douce.

- Carl. Carl Li. Lui dis-je timidement entre deux ravalements de larmes, mes affaires dans mes bras, la fermeture de mon sac ayant été cassée par les adolescents.


[ Désolée, peux pas faire de codages ]

Je le laissais reprendre contrôle de lui même, tout en lui tendant un mouchoir. je le comprenais. Quand on était seul contre 10 autres personnes, c'était difficile de se défendre. Je regardais son sac, cassé, ses feuilles de cours, déchirées, ses lunettes, euh... Le scotch ne servait plus à rien, d'après ce que je pouvais voir. La colère revint et je faillis aller chercher les gamins pour qu'ils lui présentent ses excuses. Carl semblait épuisé.

- Moi c'est Aleksandra .

Je ne manquais pas d'imaginer le nombre de blague qu'on avait pu faire sur son prénom, en changeant seulement une lettre. Ils pouvaient avoir de ces idées, les parents.

- T'as toutes tes affaires ? Ils ne t'ont rien pris ?

Ils s'étaient fait un plaisir de vider son sac par terre, alors pourquoi pas lui voler des trucs ? Selon leur logique, il aurait eu trop peur pour aller se plaindre.

- Tu sais quoi, je vais te raccompagner à ton bunker, décidais-je après réflexion.

-Moi c'est Aleksandra. dit elle gentiment en me tendant un mouchoir.
J'épongeais mes larmes avec mais elles continuaient à couler. Silencieusement. Mon cerveau fonctionnait au ralenti, et c'était très rare.
Et s'ils revenaient ? J'en tremblais d'avance. Cette fois si, ils ne me louperaient pas. Ils ne se laisseraient pas démonter, et je n'osais penser à ce qui se passerait pour moi et mes lunettes. A propos de celles-ci, elles étaient en mauvais état. Une branche était démontée, et un verre complétement rayé.
On peut pas dire qu'elles n'aient pas vécu. Pensais-je en mon for intérieur. Le scotch ne serait certainement plus d'aucune utilité, elles étaient complètement mortes.

- T'as toutes tes affaires ? Ils ne t'ont rien pris ?

- Je... Je crois.

A vrai dire je n'avais pas grand chose de précieux, juste des objets d'une valeur sentimentale, rien de plus. Tout était dans ses bras, en piteux état. Même mes cahiers étaient en plusieurs morceaux.

- C'était trop. Trop pour moi. Trop que je ne puisse supporter. Ici, je n'avais pas ma place. Je n'avais d'ailleurs ma place nulle part, en allant par là.

- Tu sais quoi, je vais te raccompagner à ton bunker, décidais-je après réflexion.

- Je veux rentrer chez moi... me mis-je à pleurer.

D'après ce que j'avais compris, personne ne rentrait. Jamais. C'était une prison.

Maintenant, son manque de réaction m'agaçait. J'avais envie de le prendre par le col et de le secouer un bon coup. "Non, mais tu ne comprends pas que tu joues leur jeu ? Oui, tu es la cible parfaite, mais en plus tu les confortes dans cette idée en te laissant faire". Des phrases que je n'oserais jamais lui dire. Alors, je devais me contenter de :

- Si ils te voient dans cet état, ils auront gagné, dis-je d'un ton neutre.

Ces dernières paroles ne firent que m'agacer encore plus. Elles montraient une réalité que je n'avais pas envie de voir.

- Pour certains, c'est mieux ici que dehors.

Oh que non, je n'allais pas lui dire qu'ici, c'était génial. Je détestais mentir. Mais au moins, on avait un toit, à manger, un semblant de sécurité. Non, je n'arrivais pas à savoir ce qui était mieux, être ici ou pas.

- Ne t'apitoie pas sur ton sort, de toute manière tu ne peux pas partir. J'imagine qu'ils veulent qu'on grandisse, qu'on s'installe ici, qu'on se marie, et qu'on fasse tout pleins d'enfants qui eux aussi auront un donc. Dans quel but ? Je ne sais pas. Enfin bon. Après, ça peut te convenir ou pas. Mais de toute manière, tu n'as pas le choix, chuchotais-je.

Je lui fis un petit sourire avant de commencer à marcher.

- Viens, je te ramène, répétais-je.