Je t'aime, moi non plus.

J'ai rien à foutre ici, je sais. Y a rien qui me rattache à cet endroit, si ce n'est ce foutu don. Je n'appartiens ni à ce monde, ni à "l'extérieur". Rien qui me retienne vraiment à la vie, en fait. Sauf le fait d'avoir été un cobaye, peut-être. Jour après jour, je me demande pourquoi tout cela m'est tombé dessus. Jour après jour, je n'ai pas de réponse. Jour après jour, je n'ai qu'une envie, me rouler sur le sol et oublier. Recommencer une nouvelle vie. Mais ce serait bien trop facile... Le destin aime tellement se jouer de nous, que nous donner une nouvelle chance d'être heureux est impensable.

Je pourrais tuer quelqu'un sans un remords, dans cet état d'esprit. J'ai la bouche entrouverte, les yeux brillants, non de larme, mais de rage. je tangue légèrement, replier sur moi même. Une véritable folle. Mais je ne peux plus me contrôler, une fois de plus. Avais-je atteins le point de non retour ? Les larmes montent. Je les retiens, ne voulant ni paraitre faible, ni les essuyer. Je veux mourir.

L'air était frais mais je n'avais pas froid, j'avais envie de me promener, de profiter un peu de la liberté qu'offrait la nature.Je m'étais dirigée vers un endroit calme où je serais seule pour me poser et penser en paix. Arrivée sur les bords du lac je retirais mes chaussures et m'approchais de l'eau en marchant délicatement sur les galets de la plage pour ne pas me faire mal.
Je remarquais alors que je n'étais pas seule, une tête que je connaissais bien était là, assise à quelques mètres, posée sur ces bras, les jambes rabattues contre elle.

Je me rendait tout de suite compte qu'elle ne cherchait surement pas la compagnie en venant ici et déviait de quelques pas ma trajectoire pour la laisser tranquille. J'allais m'assoir, plus loin, en vue au cas où elle voudrait venir me parler...

Je regardais devant moi, rien en particulier, juste la nature. Je ne pensais pas qu'Aleks voulait me parler, ou peut-être ne m'avait-elle pas vu... mais je penchais plutôt pour la première solution. Pourtant au bout de quelques minutes, j'entendis l'infime et presque imperceptible bruit du froissement de ses habits alors qu'elle tournait la tête vers moi. Il n'y avait qu'une seule personne pour entendre et identifier des choses comme ça, moi.

-Tu peux venir, hein, je vais pas te manger.


Répondant à son invitation, je m'approchais donc d'elle, un peu timidement et m’asseyais assez proche. Son visage n'affichait aucune expression et je ne savais pas trop quoi discerner dans son regard. Je ne savais pas si elle avait envie de parler as je tentais tout de même le coup et posais une question banale mais qui parfois, quand on n'est pas forcément très bien pouvait poser quelques problèmes pour y répondre :

-Tu vas bien ?

J'attendais, qu'elle me réponde, ou pas. Je ne voulais pas la forcer, d'ailleurs je n'en aurait même pas été capable.

Question parfaitement rhétorique, j’espère ? Je lui offrais un sourire pincé et hochais brièvement la tête en guise de réponse. "Non, tout va mal dans ma vie. J'ai qu'une envie, arrêter de vivre pour ne plus avoir cette douleur dans la poitrine, ne pas vouloir m'arracher les yeux pour ne pas voir la vérité en face. Je suis une lâche, tu le sais ça ?" était une réponse qui, soit, résumait ma situation mais que je ne pourrais pas assumer. P*tain de cercle vicieux...

- Et toi ?

Pas de blancs svouplaitm'ci.

Elle parut réfléchir longtemps avant de me donner une réponse, comme je m'en doutais, ça ne devait pas aller bien fort pour elle et forcément elle ne voulait pas me le dire. Sois donc elle ne me dirais rien, sois elle trouvait un autre sujet de conversation, une façon de s'esquiver. Je ne la pressais pas, je ne voulais pas paraitre curieuse ni l'importuner. Elle hocha doucement la tête, d'un air pas très convaincant à mon goüt.

- Et toi ?

D'accord, ça pour être une réponse s'en était une. cela me mit quelques instants mal à l'aise de penser qu'elle ne voulait pas me parler, lui paraissais-je si étrangère que ça ? Ou aurait-elle fait de même avec n'importe qui, je ne pouvais le savoir. Mis ce fut ma curiosité qui l'emporta, et en même temps que je lui répondais, je posais une deuxième question.

-Bien bien, que fais-tu ici ?

Désolée si ma réponse ne te conviens pas, chérie, mais d'un autre côté, si ça ma réponse t'emmerde tant que ça, t'as qu'à te barrer. C'est dans des situations comme celle-la que j'avais envie de fumer une bonne cigarette. Je n'avais jamais essayé. Mais j'en avais tellement marre d'être stressée que j'étais presque prête à tout. Enfin, on était tellement surveillé ici que même le cidre devait être interdit.

Je suis ici pour danser le flamenco, bien sûr ! Regarde, en rythme, une deux, une deux. Je rigole. J'essaie de me suicider, ça ne se voit pas ? Je suis en débardeur alors qu'il fait zéro degrés. Plus sérieusement, qu'est-ce que les gens pouvaient manquer d'une capacité... Celle de la déduction.

- Le paysage, répondis-je machinalement.

- Tu peux t'asseoir, hein.

[Ow, j'avais loupé cette réponse je crois. Honte à moi !]

Elle mit du temps à répondre, elle n'avait pas envie de faire la discussion, ça je n'étais pas dupe. Mais peut-être pourrait-elle me le dire au lieu de me laisser poireauter comme une imbécile.

- Le paysage

Façon plus simple, je trouve, de dire que je l'énervait et que si je me barrais ce serais mieux mais comme elle est polie elle ne me le diras pas. Il y a des jours comme ça, où on se tait parce qu'on veux pas parler et même pas forcément embêter les gens mais juste ne rien faire. Okay, je respecte ça m'arrive aussi. Moins souvent qu'Aleks apparemment mais ça m'arrive tout de même.

- Tu peux t'asseoir, hein.

Même si je ne pensais pas qu'elle allait me virer comme ça, cela métonna tout de même qu'elle m'invite à m'assoir à côté d'elle. Bon pourquoi pas après tout, je me baissais et me posais, pas très loin d'elle. J'essayais de suivre son regard et vit qu'elle ne fixais rien en particulier, elle devait surement être en train de penser. Alors je ne dis rien et la laissait faire.

[ouais avec toi c'toujours la merde de relancer, t'en a pas marre de la déprimofindumonde ? Je go ouvrir un rp un peu plus drawl ♪]

Un mal de tête incroyable me prit. Le silence me pesait, et le pire c'est que je n'avais absolument rien à dire, comme la jeune fille en face de moi, il fallait croire. J'avais une sorte de vielle chanson dans la tête, remixée avec le Poussin Piou... C'était joyeux, là dedans, on pouvait le dire.

- Je ne me sens vraiment pas bien.

J'avais une telle intelligence, une manière si belle de dire les choses... Vraiment, magnifique.

- Tu veux bien m’amener à l'infirmerie ?

Une envie de vomir venait de se rajouter. Super.

Nous étions assise, le silence était un peu gênant mais bon, je commençais à m'y habituer, à chaque fois que je me retrouver avec Aleks c'était pareil. Comme si nous n'étions pas faites pour discuter l'une avec l'autre. Souvent, l'une de nous deux rompais le silance, pour ne pas que cela devienne trop gênant. Et cette fois ce fut elle, bien qu'elle me parla avec une drôle de grimace.

- Je ne me sens vraiment pas bien.
Tu veux bien m’amener à l'infirmerie ?

Ah, dans ce cas je comprenais tout de suite mieux sa grimace et m'empressais de me relever en lui attrapant la main pour qu'elle en fasse de même.

-Bien sur ! Tu peux marcher ?

J'espérais juste que ce n'était rien de grave, j'avais pas franchement d'être malade pendant les vacances. Mais bon, ça semblait bien partie pour et je ne pouvais pas choisir. Je pinçais des lèvres tout en me relevant avec difficulté. Qu'il était beau le paysage. Oh, il tourne. Tourne, tourne... Pourquoi tout était floue maintenant ?

- Je vais y arriver, essayais-je de dire, convaincante.

Et même si je m'étais ramassée en me levant, j'aurai répondu la même chose. J'avais ma fierté. Même si l'infirmerie était bien loin -15 minutes si on marchait rapidement. Dans mon état, je ne préférais pas y penser- je marcherais sans aucune aide. Je commençais à marcher.

- Quoi de nouveau ? dis-je en essayant de faire un semblant de conversation.

- Je vais y arriver

Mouais, j'allais tout de même éviter de la laisser se ramasser par terre hein, je restais donc prés d'elle, sans la tenir mais juste pour la parer au cas ou elle chancellerais. Nous nous mettions donc rapidement en route vers l'infirmerie qui n'était pas tout proche quand-même et je me dis que si Aleks voulait aller à l'infirmerie, je la connaissais assez bien pour savoir qu'elle devait vraiment se sentir mal.

- Quoi de nouveau ?

Elle dit ça en tremblant un peu et quoi qu'elle en dise, je l'attrapais par le bras et la retenais. Je ne la lâchais pas et continuait à marcher tout à lui répondant.

-Et bien pas grand chose tu sais, juste les Math où ça va un peu mieux mais avant les vacances je n'ai fait presque que travailler, ça fait du bien une pause. Et toi ?

- Rien de mon nouveau de mon côté, dis-je avec difficulté.

Il y avait bien cette fille, que j'avais vu à l'infirmerie. Ce que j'y avais fait me faisait culpabiliser, mais ça n'intéresserait pas Clémence et, même si c'était le cas, je considérais que ce n'était ses affaires. Et je n'étais pas prête à en parler. J'avais déjà du mal à me l'avouer à moi-même...

Ça m'énervait, de montrer ma faiblesse comme ça. Surtout devant cette fille. Je ressentais le besoin de me montrer sous mon meilleur jour. Saloperie de fierté.

- On y est bientôt, tu crois ?

Je n'arrivais plus à évaluer les distances. Ça allait mal.