On enterre la hache de guerre? [Nils] [TERMINE]

Je marche. Enfin, je traine pour être plus précise, à cause de l'attelle qui emprisonne ma jambe pour que je ne plie pas le genou. Donc j'ai une démarche pour le moins...Raide. Ca m'énerve grandement, surtout que je dis que c'était en tombant que je me suis fait ça. Mensonges. C'est de la faute à Ackermann. Je soupire. Je me dirige justement vers son bunker, pour aller m'excuser. M'excuser de quoi? De lui avoir casser le nez. A vrai dire, sur ce sujet, j'ai deux arguments: "C'est de sa faute, il avait qu'a pas me pousser" et le deuxième "Mais si tu ne l'avais pas entrainer dans ta chute, tu ne lui aurais pas casser le nez et tu ne te serais pas fait une entorse au genou". Après maintes réflexions, c'est le second argument qui l'a emporté.

J'arrive enfin près de son bunker. J'ai un temps d'hésitation, face à la porte. Est-ce que je le fais, ou est-ce que je le fais pas? Je reste là plusieurs minutes, plantée comme une idiote devant son bunker. Je mordille mes lèvres, avant de me décider à entrer. J'ouvre la porte qui de toute façon n'est pas verrouiller. Je ne le vois pas dans son bunker. Je fais deux pas à l'interieur

-Y'a quelqu'un?

Inspiration. Expiration. Violente torsion. Le nez de Nils se remit plus ou moins en place dans un écoeurant bruit d'os brisés. Oh putain. Il fit quelques mimiques pour vérifier que son nez avait bien retrouvé sa forme et sa position initiale. Hum, un peu tordu. Mais pas flagrant. Seul quelqu'un qui avait l'habitude de l'observer aurait pu déceler une légère anomalie. Il savait que personne ne l'observait en détail ici, et c'était tant mieux. Pas envie que les mioches et les autres imbéciles d'ici sachent qu'il s'était brisé le nez en chutant sur la glace avec une gamine. Rapidement, il nettoya l'évier, maculé de sang. Bon. Une bonne chose de faite.
Maintenant, il allait pouvo...

Y'a quelqu'un?

Encore quelqu'un. C'était à croire que tout le monde se réunissait ici. Mais. Minute. Cette voix. Cette voix. La gamine. Qu'était-elle venue faire, encore? Cherchait-elle des excuses? Elle devait pourtant savoir qu'il ne fonctionnait pas comme cela. Pas lui. Pas encore. Toujours pas. Sans doute jamais...
Il passa au salon, fourrant son mouchoir ensanglanté dans sa poche. Pas question de passer pour un faible, geignant d'un vulgaire nez cassé.

Quoi, encore? soupira-t-il, las.

Je regarde la pièce, tentant d'y déceler quelque chose qui me dirait qu'Ackermann est bien ici dans le bunker. Ne trouvant rien, je n'ai plus rien d'autre à faire que d'attendre. Je pousse un léger soupir, pour ne pas penser à la douleur qui commence à se propager dans mon genou. Je suis debout depuis trop longtemps, mon genou ne le supporte plus. J'aimerais bien m'asseoir, mais ça donne l'impression que je crois que je suis chez moi. Alors je reste debout. J'entends du bruit dans la salle de bains. Je n'ose pas y aller, mais pris pour qu'il ne débarque pas avec rien qu'une serviette autour de la taille. Ca serait pire que le boxer, croyez moi.

Je le vois enfin arriver, fourrant rapidement quelque chose dans sa poche, puis me regarde d'un air las.

Quoi, encore? soupira-t-il, las.

Il doit s'imaginer que je viens lui réclamer des excuses. Et bien il va être sacrément surpris.

-Je viens m'excuser.

Je viens m'excuser.

C'était... c'était une blague? Oui, oui, une blague. S'excuser. S'excuser? Vraiment, il ne savait plus ou se mettre. Embarrassé. Ou alors c'était justement pour le mettre dans l'embarras. Merde. Je suis censé dire quoi? Il n'avait pas l'habitude de ce genre de comportement. Il pensait qu'elle allait lui demander de faire des excuses, ou geindre à cause de son attelle. Mais il n'en était rien. Il soupira de nouveau. Il se sentait non pas coupable, n'exagérons rien, mais gêné. Que faisaient les autres, les vrais humains dans ces cas-là? D'autant que, s'il écoutait le semblant de conscience qu'il lui restait... il n'était pas totalement innocent. Pas du tout même. Bon, il ne regrettait absolument pas. Mais. Fallait-il qu'il s'excuse, lui aussi? Ah non. Jamais. Stupéfiante mauvaise foi.

Ah? Euh... Pourquoi?

Vas-y, ridiculise-toi, tu aimes tellement ça. Question des plus stupides. Pour gagner du temps. Réfléchis, idiot d'Ackermann, réfléchis. Qu'allait-il faire? Sans remords, pas d'excuses. Mais elle s'excusait. En plus, elle lui faisait pitié, avec sa démarche de bestiole à l'agonie. Un énième soupir. Il commençait à s'habituer à soupirer, c'était mauvais signe. Il ferma les yeux, se massa l'aile du nez. A dire vrai, il aurait préféré qu'elle ne vienne pas. Il aurait préférer ne pas manifester cet embarras. Mais personne ne s'excusait auprès de lui, pour la bonne et simple raison que c'était toujours lui qui provoquait les dégâts. Il n'était pas accoutumé aux excuses, surtout aux excuses injustifiées. Cela lui faisait mal de l'admettre, mais elles étaient ici injustifiées. Il lui désigna le canapé d'un geste leste.

Assieds-toi.

Et puis quoi encore? Lui proposer un thé avec des biscuits? Lui faire un massage? Tu te ramollis, Ackermann. Saleté de voix intérieure. Saleté de personnalité qui change chaque demi-heure.

Je lis la stupéfaction sur son visage. Je crois que j'ai réussi à vraiment le surprendre. Une première. D'habitude, c'est lui qui me surprends. Je sens qu'il ne comprend vraiment pas pourquoi je viens là, il devait sûrement s'attendre à ce que ce soit moi qui lui demande des excuses. Et bah mon vieux, c'est vraiment pas ça du tout.

Ah? Euh... Pourquoi?

Une incompréhension pure et dure. Je dois vraiment lui paraître étrange en cet instant là. Je le regarde, préparant bien ce que j'allais dire, et j'allais ouvrir la bouche, quand il reprit la parole.

Assieds-toi.

Il est sérieux? Il est vraiment sérieux? J'ai du mal à croire qu'Ackermann puisse vraiment me proposer de m'asseoir. Au début, je ne bouge pas d'un iota. Puis mon genou l'emporte sur ma décision et je m'assoies sur le canapé.

-Je suis venue m'excuser de vous avoir casser le nez.

Je suis venue m'excuser de vous avoir cassé le nez.

Oui, évidemment. A question débile, réponse débile. Les méninges de l'Allemand s'agitaient, l'on pouvait presque les entendre s'engrener, à toute vitesse. Intensément. Que faire, que dire? Que, que lui répondre? Voyons, voyons. S'il était trop prompt à lui dire qu'il acceptait ses excuses, elle allait le prendre pour un laxiste de première. Certes, il lui arrivait de l'être. Mais. Il ne voulait pas de cette réputation. Pas lui. S'il était trop sadique... Non, vraiment, il avait pitié, il ne pouvait se résoudre à être sadique. Pas trop, du moins. Trouvons un compromis acceptable. Qui lui permettrait de gagner du temps, encore, de repousser le moment où il devrait se montrer... humain. Plus ou moins. A défaut de l'être, il fut honnête.

Tu peux te targuer de m'avoir surpris, petite, lança-t-il distraitement.

Avec un peu de chance, le "petite" l'énerverait, elle se braquerait et boiterait jusqu'à la sortie. Machiavélique plan. Esquisse d'un sourire satisfait, encore. Et si jamais cela ne fonctionnait pas... Mieux valait ne pas y penser.

Tu peux te targuer de m'avoir surpris, petite, lança-t-il distraitement.

Oh, je ne vais pas m'en vanter, ça ne sert à rien, puis ce n'est pas vraiment mon genre. Il est distrait. Il semble aussi vouloir gagner du temps. Mais pourquoi? A quoi? Je n'en sais strictement rien. Je joue un peu avec le bas de mon pull, laissant libre cours à ma réflexion. Je me souvins un peu de la discussion dans la bibliothèque, mais ne fit pas trop le rapport. Je n'ai guère envie de me prendre la tête, aujourd'hui. Même le "petite" ne me fit pas tiquer, car cela me rappelle que mes parents m'appelait comme ça.

-Je ne vais pas m'en vanter, même si c'est une sacrée surprise, je dois dire.

Bah oui, car surprendre Ackermann relève de l'impossible en temps normal.

Je ne vais pas m'en vanter, même si c'est une sacrée surprise, je dois dire.

Merde. Pas de réponse possible. A moins de... Il était piégé. Il ne s'excuserait pas, de toute manière. Que faire, que faire? Lui parler gentiment? Non, non! Il devenait... doux? Pitoyable. Pas question, pas question. Nonchalant? Hum, oui, ce n'était pas une mauvaise idée. Il passerait pour indifférent. Mais il était toujours aussi embarrassé, même s'il ne le montrait pas.

Bref. Ce n'était pas si grave.

C'était... Pathétique. Il avait tellement peu l'habitude de déblatérer ce genre de... choses que sa voix avait légèrement tremblé. Non, non. Pas lui! Il avait honte. Se sentait étrangement bafoué. Rougit même superficiellement. Oh, pas la rougeur massive que l'on repère de loin, mais une rougeur embarrassée et totalement incompatible avec son caractère. C'est tragique ce qui t'arrive, Ackermann. Oui, il avait honte, et comme toujours quand il se sentait fouillé, gêné, il devint agressif. Paradoxale et effrayante personnalité. Incompréhensible. Imprévisible.

Tu t'es excusée, c'est bon, tu veux quoi encore, l'aumône?! hurla-t-il d'un ton belliqueux.

Voix sonore, plus tremblante. Du tout. De nouveau assurée, de nouveau irrité. Il n'aimait pas ce genre de sentiments. Il s'était senti minuscule, insignifiant pendant un instant sous l'effet de son éphémère gêne. Il haïssait cela, se sentir inutile. Alors, il se vengeait. Et tant pis si la victime n'était pas à l'origine de ses malheurs. Il était comme cela. D'une flamboyante mauvaise foi.

Bref. Ce n'était pas si grave.

Je le sens toujours aussi embarassé. Il n'est vraiment pas habitué aux excuses celui là. Je m'interroge de nouveau sur la personnalité complexe de cet homme, est-il réellement comme ça ou fait-il semblant de cacher une personnalité plus calme, une blessure mentale sous son agressivité permanente? Je le vois rougir, ce qui me surprends. Je ne pensais jamais voir Ackermann rougir. Il semble cogiter, et je le laisse pour l'instant à ses pensées. Je me perds dans les miennes.

Tu t'es excusée, c'est bon, tu veux quoi encore, l'aumône?! hurla-t-il d'un ton belliqueux.

Je sursaute. Regarde Ackermann. Sent la colère monter. Je me relève sous le coup, et mon genou proteste. Je l'ignore, concentrée sur Nils. Je le regarde droit dans les yeux, me sentant en colère.

-Pas la peine de me hurler dessus, Ackermann. Passer tes nerfs sur moi n'a rien de productif,je réponds, repassant au tutoiement sous le coup de la colère.

Pas la peine de me hurler dessus, Ackermann. Passer tes nerfs sur moi n'a rien de productif.

Ah, bon? Comme s'il ne le savait pas. De deux choses l'une, soit elle était complètement stupide, possibilité à ne pas exclure, soit... Soit rien du tout, elle était complètement stupide, point à la ligne. Et ce foutu tutoiement!

Tu as de la chance d'être déjà boiteuse, gamine. Dégage, ou je ne répondrai plus de rien.

Mais pourquoi diable ne partait-elle pas? C'était ce qu'il cherchait, avec sa soudaine acrimonie. Ce qu'il désirait. Il lui hurlait dessus, mais elle ne partait pas. Avait-elle des penchants masochistes? Il ne voyait pas comme cela eût été possible autrement. Elle était vraiment... insupportable, de s'accrocher ainsi. Mais il n'allait pas la frapper. Pas lâche et désespéré au point de frapper une femme déjà blessée.

Tu as de la chance d'être déjà boiteuse, gamine. Dégage, ou je ne répondrai plus de rien.


Je ne vois pas pourquoi je reste. Pourquoi je tente de tirer quelque chose de cet homme? Je ne sais pas moi-même. Il me hurle dessus, il me fait des menaces, il me blesse, et pourtant je reste. Je commence à penser que je suis une sado-maso cachée. C'est pas possible autrement. Je pousse un soupir d'exaspération. Je ferais mieux de partir....Et pourtant, une part de moi veut pas bouger, continuer à lui hurler dessus jusqu'a qu'on en vienne aux mains. Sûrement le côté du père qui se réveille, ma mère étant calme.

-Mais quelle charmante manière de parler à vos élèves. Et encore je suis soulagée de ne pas être une de vos élèves personnelles. Dire que je croyais pouvoir croire qu'il y avait quelque chose d'humain en vous...Je suis vraiment stupide.

Mais quelle charmante manière de parler à vos élèves. Et encore je suis soulagée de ne pas être une de vos élèves personnelles. Dire que je croyais pouvoir croire qu'il y avait quelque chose d'humain en vous... Je suis vraiment stupide.

Oh, elle était vexée? Ce n'était pas trop tôt. Il avait enfin atteint son objectif. Un sourire factice étira ses lèvres. Elle avait des illusions? Grand bien lui en fasse. Il n'était pas bon de vivre dans les illusions. Surtout pas dans les siennes. Même ses illusions étaient fausses. Mais elle continuait. Pourtant elle devait savoir qu'il n'y avait pas matière à s'accrocher avec lui. Il décida d'être franc, direct. Elle saurait la vérité et arrêterait de chercher l'humain en lui. Il était bien trop profondément enterré pour le trouver en si peu de temps.
Il s'approcha d'Alice, posa ses mains sur ses épaules et plongea son regard dans celui azuré de la jeune fille.

Regarde-moi. Je suis une épave. Tu ne trouveras pas l'humain en moi.

Après cette confession inattendue, il décida qu'il en avait trop dit. Encore cette foutue impulsivité! Il la regrettait à chaque fois. Il se redressa et grogna :

Maintenant dégage.

Je suis vraiment stupide, d'avoir penser trouver l'humain en lui. Il semble que si il y a un humain en lui, il soit perdu, enfoui...Je regarde une nouvelle fois Ackermann, me sentant non plus en colère, mais lasse, en ce moment là. Je le vois s'approcher de moi, réduisant la distance qui nous sépare à néant, et poser ses mains sur mes épaules.

Regarde-moi. Je suis une épave. Tu ne trouveras pas l'humain en moi.

Je le regarde, et vois que oui, pour l'instant, c'est une épave, mais que l'humain en lui (si il en avait un) n'attendrais que le moment idéal pour ressortir. Mais je sais qu'il ne ressurgira pas maintenant, ça doit être trop tôt. Je le vois se redresser.

Maintenant dégage.

Je marche-ou plutôt boite, foutu atelle- vers la porte en silence. Je sais que ce serait stupide de rester, alors que tout a été dit, que ça ne sert à rien de rester. Je pose la main sur la poignée de la porte, et l'ouvre. Je me retourne à moitié, jette un dernier regard à Ackermann, puis je pars.